Tribunal administratif de Strasbourg, 25 mai 2023, n° 2007759
En vertu de l’article L. 133-2 du code général de la fonction publique (CGFP) « aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Si l’agent les subit effectivement, il peut demander réparation des préjudices en résultant.
Encore faut-il apporter la preuve de ces agissements.
En matière probatoire, la charge de la preuve incombe en général à l’auteur du recours, conformément au célèbre adage Actori incumbit probatio.
Face à l’impérieuse administration de la preuve dans le contentieux relatif au harcèlement, la haute juridiction administrative a aménagé le
régime de la preuve en faveur du requérant.
Ce dernier doit ainsi soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement, à charge pour la
partie adverse de démontrer que lesdits agissements sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement (CE, Sect., 11 juillet 2011, Mme Montaut, n°321225).
D’emblée, il faut souligner qu’il n’est pas aisé, en dépit de ce régime favorable, de caractériser des agissements constitutifs d’un harcèlement moral. C’est tout l’intérêt de ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg qui admet l’existence de tels agissements, engageant ainsi la responsabilité de l’Etat.
Dans le cas d’espèce, le requérant estimait avoir fait l’objet, entre autres, de mesures discriminatoires, d’une campagne de dénigrement de la part de l’administration auprès de ses collègues et de tiers et d’un isolement résultant de décisions illégales de maintien en congé longue maladie. Il en est résulté, selon lui, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.
Ces éléments, corroborés notamment par des témoignages, ont été de nature à faire présumer l’existence d’une situation constitutive de harcèlement moral, présomption simple que l’administration défenderesse n’a pas réussi à renverser faute de justifications suffisantes.
Au-delà de la reconnaissance d’une situation de harcèlement moral, suffisamment rare pour être soulignée, ce jugement rappelle l’importance du critère de répétition des agissements visés à l’article L. 133-2 susmentionné. En effet, le raisonnement du juge est ici fondé sur une succession de faits « pris dans leur ensemble ».
Envisagés isolément, ceux-ci n’auraient assurément pas pu conduire à faire naître dans l’esprit du juge une telle présomption. Il est donc déterminant, en matière de harcèlement moral, d’apporter suffisamment d’éléments factuels pour emporter la conviction de ce dernier.