La jurisprudence Czabaj (CE, ass., 13 juillet 2016, n° 387763), visant à éviter au nom du principe de sécurité juridique que certaines décisions administratives puissent être indéfiniment remise en cause, aura fait couler beaucoup d’encre. L’arrêt Legros c/ France du 9 novembre 2023 par lequel la Cour européenne des droits l’homme a condamné la France pour avoir fait une application immédiate aux instances en cours de cette jurisprudence en est une illustration récente.
Pour rappel, cette solution prévoit qu’en cas de non-respect des modalités de notification d’une décision administrative individuelle, le délai de recours contentieux de droit commun n’est pas opposable. S’applique alors un délai raisonnable, en principe d’un an, qui commence à courir à compter de la notification irrégulière ou de la connaissance acquise de la décision.
En contentieux administratif, cette solution a fait l’objet de nombreuses applications jurisprudentielles.
Tel n’est cependant pas le cas s’agissant des contentieux relevant de l’ordre judiciaire, la Cour de cassation ayant récemment, dans sa formation la plus solennelle (Cass. Ass. Plén., 8 mars 2024, n°21-21.230) refusé d’adopter un délai raisonnable d’un an. Ainsi, les titres exécutoires irrégulièrement notifiés pourront être contestés devant les juridictions judiciaires au-delà de ce délai.
Aux termes d’une motivation enrichie, la Cour de cassation justifie le maintien de sa jurisprudence en considération du fait, d’une part, que « le risque de contestation d'actes ou de décisions sans limite de durée ne se présente pas dans les mêmes termes devant les juridictions judiciaires » et, d’autre part, que la transposition de la solution dégagée par le Conseil d’Etat « pourrait porter atteinte à l’équilibre des droits des parties dans le procès civil ».